LES FERMES NE MANQUENT PAS D’AIR

Qui veut la peau des vaches - Claude Aubert

Un fervent plaidoyer pour la vache, l’une des meilleures amies de l’homme… et de la biodiversité !
Les vaches ont du souci à se faire. Elles réchaufferaient la planète avec le méthane qu’elles éructent. Pour certains, il faut cesser de manger leurs produits, qui seraient mauvais pour notre santé. Pour d’autres, il est inacceptable que nous les exploitions et décidions de mettre fin à leur existence pour les manger ou parce que, ne produisant plus assez de lait, elles ne sont plus rentables. Bref, un monde idéal serait un monde sans vaches. Et pourtant…

Extraits :

 

 

 

QUI VEUT LA PEAU DES VACHES ?
La vache, une merveille de la nature
Personne n’y prête attention, mais les herbivores – dont la vache est le représentant le plus familier à la plupart d’entre nous – sont des animaux extraordinaires. Ce sont les seuls capables de transformer les herbes les plus communes en lait, en muscles,
en organes de tous types et en énergie leur permettant de maintenir leur température corporelle, de se mouvoir, de tirer une charrue ou une charrette. Tout cela grâce à ces fragiles petites plantes, appelées herbes, qui poussent spontanément sur tous
les sols, quelles que soient leur fertilité et les conditions climatiques du lieu où elles se trouvent.
Les technologies modernes réalisent des prouesses, mais connaissez-vous une machine capable de transformer de l’herbe en lait, en viande et en énergie ? Une machine qui, en plus, ferait ce travail sans rien exiger d’autre que de la conduire dans une prairie ? Et qui fournirait gratuitement de quoi faire pousser d’autres plantes, soit un bon fertilisant ? Comme le dit justement André Pochon, grand pionnier de l’élevage à l’herbe, la vache, c'est « une barre de coupe à l’avant et un épandeur de fumier à l’arrière ». Pourtant, au lieu de remercier les vaches, certains souhaitent leur disparition plus ou moins totale…

Un paysage sans vaches, c’est triste comme une maison inhabitée. Car la maison des vaches, c’est l’étable en hiver, mais c’est la prairie le reste du temps et toute l’année pour les races les plus rustiques.

Végétaliens et véganes, ennemis n° 1 des vaches
Les véganes refusent tout type d’élevage, car cela conduirait non seulement à exploiter les animaux, mais aussi à finir par leur ôter la vie. Constatons d’abord un abus de langage : comme le fait remarquer Jocelyne Porcher, chercheuse à l’INRAE et auteur d’excellents livres sur nos relations avec les animaux d’élevage, on utilise le même mot « élevage » pour désigner deux activités qui ont peu de points communs. D’une part, l’élevage tel qu’on l’a pratiqué sur toute la planète jusqu’au milieu du XXe siècle, les paysans élevant dans chaque ferme un petit nombre de vaches pour consommer leur lait et/ou leur viande, se procurer un revenu et labourer les champs. D’autre part, des « usines » à lait, œufs ou viande dans lesquelles des milliers d’animaux sont entassés, souvent sans jamais voir le jour, dans des conditions inacceptables, justement dénoncées par les associations.

SALE TEMPS POUR LES VACHES

Vaches, chèvres, moutons, buffles, ces mangeurs d’herbe qui ruminent
Moins de méthane grâce à l’herbe
Prétendre qu’avec une alimentation à l'herbe, on peut réduire les émissions de méthane des ruminants va à l’encontre de ce qu’affirme la grande majorité des scientifiques. Il est en effet admis que c’est au contraire en augmentant la part de concentrés dans la ration que l’on diminue les émissions par litre de lait ou kilogramme de viande produits. Pourtant, plusieurs nouvelles études permettent de penser que l’on peut émettre moins de méthane avec de l’herbe.
Une expérience réalisée en Écosse (Cameron, 2018) donne des résultats particulièrement spectaculaires. Les auteurs ont comparé une ration classique (ensilage, céréales, légumineuses et diverses plantes herbacées) à deux variantes dans lesquelles 29 à 36 % de cette ration étaient remplacés par de l’herbe, soit coupée et fournie à l’auge, soit pâturée. Dans la première variante (herbe coupée), les émissions moyennes de méthane ont baissé de 17 % et dans la seconde (herbe pâturée) de 39 %.
L’expérience a duré quatre semaines et la dernière semaine les émissions du troupeau pâturant étaient quatre fois plus faibles que celles du troupeau ayant l’alimentation standard, sans baisse de la production.
Une autre étude (Savian, 2018) conclut que les émissions de méthane par hectare et par vache varient fortement, jusqu’à une division par deux, selon la hauteur de l’herbe lorsqu’elles sont mises au pâturage. Cette expérimentation a été réalisée en
2014 et 2015 avec des moutons. Elle est arrivée à la conclusion étonnante que si ces derniers sont mis à l’herbe lorsqu’elle a une hauteur moyenne de 18 cm et en sont retirés lorsqu’elle a 11 cm, ce qui suppose un séjour très bref, cela augmente puissamment la quantité d’herbe ingérée et diminue les émissions de méthane par rapport à une méthode fréquente.

Contrairement aux bouses et à l’urine des vaches pâturant, le fumier et le lisier des ruminants en stabulation émettent des quantités notables de méthane.

QUI VEUT LA PEAU DES VACHES ?
Et c’est là que les vaches ont leur mot à dire…
Les prairies permanentes séquestrent du carbone, en quantités très variables selon la manière dont elles sont gérées. Pâturées de façon semi-extensive, elles en séquestrent 700 à 900 kg par hectare et par an, voire davantage (Soussana, 2010, Klumpp, 2020), ce qui fait 2 500 à 3 300 kg de gaz carbonique retirés de l’atmosphère chaque année pour chaque hectare de prairie. Plusieurs études ont conduit à des chiffres allant jusqu’à une tonne de carbone par hectare et par an, voire au-delà.
Une étude américaine (Stanley, 2018), comparant l’engraissement de bovins en feedlots (parcs d’engraissement avec une alimentation à base de maïs et de concentrés) avec un engraissement à l'herbe, a conclu que, dans le premier cas, le bilan carbone est de 6,1 kg équivalent CO2 par kilogramme de carcasse, alors qu’en engraissement à l’herbe, il est de 9,6 kg équivalents CO2 par kilogramme de carcasse. Si l’on prend une moyenne de 750 kg de carbone séquestrés par hectare et par an, chiffre souvent cité par la littérature scientifique en climat tempéré, il est intéressant de le comparer à la quantité de méthane éructée par les vaches qui pâturent cette prairie. Pas besoin d’être un as en mathématiques pour comprendre que cela dépend du nombre de vaches que l’on met sur un hectare. Avec un « chargement » de 0,7 hectare pour une vache, ce qui correspond à un élevage semi-extensif, et ce que les éleveurs traduisent en nombre d’UGB (Unités de Gros Bétail) par hectare, le chiffre étant dans ce cas de 0,7 UGB/ha. Cette « portion » de vache va émettre en moyenne, sur la base de 350 g de méthane par vache et par jour, 89 kg de méthane par an, soit l’équivalent de 2 500 kg de gaz carbonique, alors que cet hectare en aura, dans de bonnes conditions, séquestré 2 750 kg, soit un peu plus.
Voilà pourquoi une vache au pré, en élevage semi-extensif, retire plus de gaz carbonique de l’air qu’elle n’en émet par le méthane qu’elle éructe. Ajoutons que, lorsqu’il s’agit de génisses (vaches n’ayant pas encore fait de veau et donc ne produisant pas de lait), les émissions de méthane sont beaucoup plus faibles (environ 200 g par jour et par génisse) que celles d’une vache en lactation. Avec elles, le bilan carbone est encore plus favorable.
Les vaches n’ont pas fini de nous surprendre. On pourrait logiquement penser que, si on ne met pas de vaches du tout, ou seulement une vache sur trois ou quatre hectares, le bilan carbone de la prairie sera encore meilleur puisque l’herbe restera sur le sol.
Eh bien non, car une prairie pas ou trop peu pâturée voit sa flore se dégrader et séquestre moins de carbone que si elle est pâturée de manière extensive. À l’inverse, si on augmente le chargement, c’est-à-dire le nombre de vaches à l’hectare, le bilan carbone de la prairie va s’inverser, à la fois parce que les émissions de méthane par hectare vont fortement augmenter, et parce que la séquestration de carbone diminuera.

Pour qu’une prairie stocke beaucoup de carbone, elle doit être principalement pâturée (et non pas fauchée) et de façon semi-extensive, à savoir avec environ 1,5 hectare par vache. Et, en prime, on a une belle prairie fleurie bien entretenue et, pour ceux qui en consomment, du lait et du fromage d'excellente qualité.

Vive les vieilles vaches !
Pourquoi conduire les vaches à l’abattoir après le deuxième ou le troisième veau comme c’est devenu la règle dans de nombreux élevages ? Pour plusieurs raisons, liées pour la plupart à l’intensification de la production :
sélection axée sur le rendement, au détriment de la rusticité ;
alimentation destinée à maximiser la production, souvent non appropriée aux ruminants (peu ou pas d’herbe et de foin) ;
part trop importante donnée à l’ensilage de maïs ;
problèmes de fécondité ;
pathologies diverses ;
possibilité de valoriser la viande des vaches de réforme.
L’augmentation du nombre de lactations, et donc de la longévité des vaches, lorsque leur état de santé le permet, présente pourtant plusieurs avantages.

DES VACHES POUR STOCKER DU CARBONE DANS LE SOL
La régénération de prairies dégradées peut conduire à une séquestration de plusieurs tonnes de carbone par hectare et par an dans les régions tropicales.

Claude Aubert : "Le pire ennemi de la bio, c'est la bio industrielle"

Article : https://www.radiofrance.fr/franceculture/claude-aubert-le-pire-ennemi-de-la-bio-c-est-la-bio-industrielle-6031429

Extrait : ".../La situation est compliquée. Notamment, à mon avis, parce qu'une partie de l'agriculture biologique a été dévoyée : elle est resté biologique en regard du cahier des charges, mais elle s'est industrialisée dans ses principes. En oubliant ce qui faisait la base de l'agriculture bio : une certaine rotation des cultures, de la biodiversité dans les champs, des exploitations en polyculture élevage etc. Aujourd'hui, une partie des agriculteurs bio ont adopté les schémas conventionnels (monoculture par exemple). Ce qui fait qu'elle est mal considérée par d'autres agriculteurs qui eux estiment qu'il vaut mieux, par exemple, faire une agriculture de conservation des sols (ACS), et que c'est ça l'avenir et non pas la bio. Bref, je pense qu'aujourd'hui le pire ennemi de la bio, c'est la bio industrielle. Une agriculture certes biologique, mais pas durable/..."